Paris
Auteur de textes à lire et dire et jouer,intervient dans un lieu consacré à l'action culturelle et à la production: LE LOCAL: 18 rue de l'Orillon - 75011. Réalisations récentes: Nasr eddin Hodja avec Salah Teskouk, mise en scène de Gabriel Debray (Le local 2006) Ô Belleville par l'atelier de théâtre contemporain du Local (juin 2007- mise en scène de Gabriel Debray) Tout ça n'empêche pas Nicolas, par les mêmes, juin 2008 les tribulations d'Orphée juin , octobre 2009 ------------------------------------- Pour contacter: cliquer sur le lien "afficher le profil complet"

samedi 5 mai 2007

conte du méchant roi

L’histoire que je vais vous raconter se passait il y a longtemps, bien longtemps, dans un pays lointain, si lointain, si perdu que vous n’en trouverez la trace sur aucune carte. Dans ce pays régnait un roi ; il régnait depuis si longtemps, si longtemps que personne ne se souvenait quand son règne avait commencé. On était tellement habitué à lui que nul n’y prêtait attention ; il faisait partie du paysage comme les arbres des allées, comme les oiseaux du ciel, comme la pluie et le beau temps. Parfois, dans des circonstances solennelles, lors de la fête nationale ou lors des visites de monarques étrangers on sortait le roi, il prononçait alors quelques paroles inaudibles que personne n’écoutait , puis on le rentrait jusqu’aux prochaines grandes occasions.
Ce roi avait de nombreux ministres, de nombreux conseillers, et aussi de nombreux courtisans qui s’empressaient autour de lui mais espéraient un jour pouvoir le remplacer. L’un de ceux-ci se nommait Ludovic ; c’était un lutin, mais un lutin maléfique, un lutin malfaisant car il y a toutes sortes de lutins. Les gens le surnommaient le ludion, car lorsqu’il était en colère, et il était toujours en colère, il trépignait et sautait tellement qu’on aurait effectivement dit un ludion.
Il devint ministre.
Le ludion était vraiment méchant, il voyait le monde à son image, c'est-à-dire qu’il voyait le mal partout. Il faisait régner la terreur, ses prisons étaient toujours pleines et il avait fait construire tant de prisons que la moitié de la population se trouvait au cachot. L’autre moitié vivait dans l’effroi, il suffisait d’un mot de travers pour que l’on se retrouve derrière les barreaux, aussi ne disait-on rien : on ne parlait plus, on se taisait. le pays devint ainsi peu à peu silencieux, même les oiseaux dans les arbres se taisaient, même les chiens, les chats, les coqs dans les basses-cours. Comme il n’y avait plus assez de bras pour cultiver la terre, plus assez de meuniers pour faire tourner les moulins, plus assez de forgerons, plus assez de tisserands, toute activité s’arrêta. Bientôt le ciel même perdit ses couleurs de peur de déplaire, puis l’herbe, les arbres, les fleurs se fanèrent. Tout était comme figé ; le soleil, certainement dégoûté par l’horreur du spectacle avait fini par déserter les lieux.
Alors ce fut terrible : affamés, transis de froid, les habitants quittèrent leurs villages inutiles et se répandirent sur les chemins à la recherche d’on ne sait quoi, se nourrissant de l’écorce des arbres, de lichens et même mangeant de la terre gelée.
Et le roi ? Le roi ne disait rien, peut être lui-même avait il peur, ou bien, enfermé dans son palais, au milieu de ses courtisans ignorait-il ce qui se passait au-dehors. Un beau jour, fatigué de ne rien dire, de ne rien savoir, de ne rien faire, il mourut. Le ludion, alors, devint roi. Il avait tant attendu ce jour qu’il décida d’organiser une grande cérémonie du couronnement ; il voulut des pages, des hérauts, des valets, des soldats, des chevaliers, des cuisiniers, des marmitons, des veneurs, des musiciens, des conteurs, des jongleurs : il n’y avait plus personne. Il arriva à rassembler quelques pauvres erres sans énergie, qui n’avaient plus que la peau sur les os et furent incapables de jouer ces rôles. Il décida alors de vider les prisons, malheureusement il était trop tard, la faim, la maladie et la potence avaient déjà vidé les prisons. Alors le ludion entra dans une colère abominable, il trépigna, il sauta, et trépigna encore et… ce fut sa dernière colère car il éclata. Il se mit alors à pleuvoir en abondance comme pour nettoyer le royaume, puis le soleil qui avait disparu depuis si longtemps revint, puis l’herbe reverdit, puis les feuilles vinrent aux arbres, un coq chanta et les derniers habitants survivants reprirent espoir. Les moulins moulinèrent, les forgeons forgèrent, les tisserands tissèrent, mais dans le pays lointain plus jamais aucun roi ne régna, ni aucun conseiller, ni aucun courtisan.